En attendant qu’elle décroche, je me demandais quel nom je devrais utiliser. J’hésitais entre «TKV» et « The Kraljica Vila » car sur Internet, je n’ai pas réussi à découvrir son vrai nom, mais juste le pseudonyme TKV (The Kraljica Vila, la Reine-Fée). Lors de notre rencontre à Dorćol Platz, elle m’a prié de simplement utiliser Aleksandra, si c’était vraiment nécessaire.
Elle est entrée dans le monde de street art à l’âge de 16 ans, quand elle a créé un portrait d’Amélie Poulain. Elle est devenue célèbre dans les Balkans, mais les Français aussi ont remarqué ses œuvres lors mes visites touristiques à pied où ils prenaient des photos de ses muraux.
Il est intéressant de noter qu’Anne-Lorraine Vigoureux, attachée culturelle à l’Institut français de Serbie, a découvert un de ses muraux dans un passage à Belgrade, ce qui a contribué à son amour pour la capitale serbe.
Quelques années plus tard, elles ont fait connaissance et les œuvres de TKV ont été présentées dans les Vitrines merveilleuses de l’Institut.
Une œuvre d’Aleksandra figure dans un livre sur les 50 meilleures femmes street artistes, publié à Londres. Le livre comprend également les œuvres des artistes que TKV admire.
« Afin de réaliser ses idées, on doit être sincère et prêt à partager ses sentiments. C’est la seule façon de rester concentré et consacré à son travail » explique-t-elle pour Bienvenue en Serbie.
On peut trouver ses œuvres dans les rues et ruelles de Belgrade : à Dorćol (dans le café Blaznavac et à Dorćol Platz), Sava Mala, Vračar et Novi Beograd (où elle a passé son enfance).
Le plus souvent, elle dessine sur les bâtiments la nuit, et fait des projets plus commerciaux, tels que des peintures sur commande, le jour, selon ses horaires. En salopette, elle peint utilisant des aérosols et des stencils (des matrices) qu’elle fabrique elle-même.
TKV est une artiste indépendante qui gagne sa vie grâce à l’art, ce qui l’oblige à être disciplinée et créative et de travailler régulièrement, comme tout employé.
« Le moment où on commence à toucher des revenus, votre loisir devient votre travail. Artiste à temps plein, je me suis habituée à garder le lien entre le quotidien et ma créativité. Je dois dessiner pour faire sortir les idées de ma tête. Pour mon travail, j’utilise mes connaissances sur la photographie, un de mes loisirs, pour retoucher les images et créer les pochoirs pour ensuite passer à l’aérosol. »
Son père a vécu à Rome et c’est lui qui l’a incitée à y créer son premier pochoir.
« C’était le moment où j’ai connu un monde nouveau. Après mon retour à Belgrade, j’ai rejoint les artistes de graffiti. Un certain temps a passé avant l’introduction de street art en Serbie. Il n’y a pas longtemps, personne ne comprenait mon travail. Aujourd’hui la situation est bien différente, on prend des photos, on s’y intéresse, ça fait partie du mainstream. »
Quant au processus créatif, elle préfère les dernières 20 minutes de la création.
« Après quelques jours, on doit offrir une vie à son œuvre, c’est ce qu’on a de plus précieux ! Le travail est fatigant, mais il m’apporte tellement de choses. »
Le street art, c’est-à-dire l’art sur les murs de Belgrade, est au centre de son travail. Le travail dans les rues lui a permis d’atteindre la liberté.
« Personne n’est complètement libre parce que la liberté est en elle-même très abstraite. Il y a un moment où tout disparaît, et on reste seul avec son œuvre. Le quartier où on crée détermine la forme de votre travail. »
Même si le marché de l’art n’existe pas en Serbie, TKV arrive à y travailler. Outre de ses muraux, ses œuvres sont présentes dans plusieurs cafés de Belgrade.
« Ce n’est pas évident, mais je suis contente. Des gens réagissent et font partie de mon processus créatif. La vie se déroule selon la direction qu’on choisit. Il faut se concentrer sur ce qu’on peut améliorer chez nous-mêmes et autour de nous. »
Texte: Nenad Blagojević (diffusion autorisée à condition de partager le lien vers le site www.bienvenueenserbie.rs); Traduit du serbe par Jovana Milovanović;