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Durant la Grande guerre, un village en Corse a accueilli des réfugiés serbes le cœur ouvert

Suite au voyage en bateau entre Shëngjin (Albanie), où ils étaient arrivés en fuyant les ennemis du Front d’Orient, jusqu’au détroit de Messine et enfin Bastia, un millier de blessés, des âgés, des femmes et des enfants ont distingué à l’aube les sommets des montagnes corses.

Le long du port, des drapeaux serbes et français flottaient tandis que les Corses saluaient les Serbes et exclamaient « Vive la Serbie ! Vive les héros serbes ! ».

Bien que je sois parti en Corse en vacances, dès que j’ai débarqué à Ajaccio, j’ai pensé aux Serbes qui étaient accueillis sur l’île pendant la Première guerre mondiale et j’ai voulu écrire un texte sur le sujet. Ils étaient environ 5000.

Les réfugiés des Balkans arrivaient en bateau de décembre 1915 à janvier 1916. 

Les humanitaires de Grande Bretagne étaient guidés par Edward Boyle. Avec ses alliés britanniques, la France a accueilli les Serbes sur son territoire, les a aidés dans l’assimilation et leur a offert le premier secours et de l’aide avec la scolarisation, la nourriture et le logement.

La Corse est devenue un refuge, une terre d’exil pour les amis serbes, chassés de leurs foyers par la guerre atroce.

Des médecins et des infirmières, représentants de la mission anglaise et de l’Hôpital des dames écossaises, y étaient évacués.

C’est le préfet Henry Georges qui s’est distingué dans la réception des réfugiés serbes.

Les réfugiés ont reçu des vêtements et des chaussures. Certains ont pu aller dans les pensionnats, où des Françaises leur apportaient des sucreries et des fruits. Pour évoquer les mots de Velja Jovanović, publiés dans l’ouvrage « Les Serbes en Corse » de Zoran Radovanović, les Corses ont loué les pâtisseries du Boulevard Paoli à Bastia, et, avec une élégance bien française, invitaient les Serbes à y venir.

Grâce à mes contacts en France, j’ai eu la chance de rencontrer Philippe Colombani, professeur d’histoire, qui m’a aidé  à retrouver son collègue Jean-François Rosecchi, professeur de philosophie, originaire de Bocognano, où les réfugiés serbes étaient logés.

J’ai appris que le jour où j’ai pris le train Ajaccio-Bastia, lundi le 9 septembre 2018, M. Rosecchi ne travaillait pas et passait la journée dans sa maison de vacances. Incroyable !

Après un voyage merveilleux en train à travers les forêts de chaîne, de hêtre et de pin, je suis descendu et j’ai commencé mon expédition ! Jean-François m’a expliqué qu’il avait déjà visité Belgrade. 

Nous avons découvert que nous avions certains amis en commun. « Le monde est petit. »

Journaliste Nenad Blagojević à Bocognano

Dans le centre du village, nous avons rencontré le maire et son épouse, qui m’a imprimé les certificats de décès et de naissance des Serbes en Corse dans la période de la Grande guerre.

Nous sommes partis au cimetière trouver la tombe de Gustav Hakl, né à Zagreb. Il s’agit d’un médecin connu qui soignait des réfugiés serbes ainsi que les habitants indigènes de l’île. Dans son certificat de décès, il est indiqué qu’il est décédé le 3 mai 1918, à 5 heures, à l’âge de 35 ans.

Nous avons nettoyé la tombe couverte de l’herbe et de la terre, mais nous n’avons pas pu distinguer tous les mots inscrits en serbe (en cyrillique) et en français. L’épouse du maire m’a promis de m’envoyer une photo de la tombe une fois que tout sera nettoyé.

J’ai appris qu’il y avait des tombes serbes au cimetière, mais qu’elles étaient transportées en Serbie.

Il y a quelques années, l’association « Per a Pace, Pour la Paix » a organisé un voyage en Corse pour la délégation de la ville de Šabac (Serbie) guidée par M.Radovanović, un écrivain serbe. Cette année, les élèves serbes et macédoniens ont joué une pièce de théâtre en Corse.

La vie des élèves en Corse était comment ?

Des écoles, des collèges, des lycées et une école des femmes se trouvaient à Ajaccio, Bastia, Bocognano, Ucciani et les alentours. On veillait à ce que les élèves serbes connaissent leur langue et leur culture. Au départ, ils avaient des cours de français et de gymnastique, alors que plus tard, des cours d’histoire et de serbe ont été rajoutés. Des dictionnaires français-serbe et des grammaires sont venus de Suisse.

Les enfants suivaient le programme scolaire serbe de l’avant-guerre et avaient des professeurs de leur pays natal. Le chef de l’équipe à Ajaccio était Vladan Gojković, à Bocognano Kosta Josifović, à Ucciani Miodrag Mirković, et à Bastia Lazar Stojković.

Au printemps de 1916, il y avait environ 5000 réfugiés serbes sur l’île française. Selon les statistiques, en 1918, durant la Grande guerre, 319 élèves étaient scolarisés en Corse.

Dans la villa de Chalet, à proximité du centre du village, se trouvait l’École des garçons. La maison louée par Edward Boyle servait d’école entre 1916 et 1917.

L’école de Bocognano a été fermée en automne de 1917. La mission anglaise a aidé les jeunes issus de l’école à perfectionner leur métiers d’artisan. Aujourd’hui, la maison appartient à un particulier et semble abandonnée.

Pendant mon séjour en Corse, j’ai appris que le 25 juin 1916, dans le cadre d’une mission humanitaire, 30375 francs ont été recueillis à Ajaccio, Bastia, Calvi, Corte et Sartène pour les enfants serbes.

Un mois plus tôt, le secrétaire général du Fond national pour l’aide, M. Guillet, a annoncé aux maires des villes corses que le président de la République avait accepté la demande de Serbie d’organiser une journée serbe pour marquer le 25 juin, le jour de la Bataille de Kosovo, dans la France entière.

Les serbes de Corse étaient appréciés en tant que charpentiers, chausseurs et cordonniers. 

Au moment où un grand nombre d’hommes en pleine forme sont partis en bataille, on a prêté une attention particulière aux femmes de Serbie qui cousaient, brodaient et produisaient des objets en céramique.

Des pièces de théâtres et des soirées traditionnelles étaient organisées, dont notamment une pièce montée par les Serbes de Piana le 5 mars 1916 à Cargèse. Ils ont chanté, entre autres, la Marseillaise suivie des hymnes anglaise, russe et serbe.

Une fois la Grande guerre terminée, en 1918, les Serbes ont commencé à revenir dans leur patrie. Le préfet Henry Georges a écrit à ses amis serbes les mots suivants :

« Vous êtes partis, laissant le sol natal, la maison fortunée, chassés par la horde ennemie, pressés d’en jouir. Vous êtes partis dénudés de tout, ne pouvant rien emporter, et vous voila parmi nous. C’est un honneur pour nous de vous venir en aide. Mission accomplie. »

Ce texte contient des informations et des photos publiées dans les livres « Les Serbes en Corse » de Zoran Radovanović et « Corse terre d’accueil, terre d’exil 1914-1918 »

Texte: Nenad Blagojević (diffusion autorisée à condition de partager le lien vers le site www.bienvenueenserbie.rs); Photographies: Nenad Blagojević; Cliché Isidore Aubert; collection Sigolène Franchet d’Esperey Vujic; Traduit du serbe par Jovana Milovanović;

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